Introduite en France par une loi du 23 décembre 2008, la titrisation a d’abord permis de financer le crédit immobilier en permettant aux établissements financiers de sortir ces créances de leur bilan pour ne pas entamer leur ratio de solvabilité. En berne depuis la crise des subprimes, cette opération bancaire revient en force depuis près de trois ans.
Dans le contexte de crise que nous connaissons, certains observateurs y voient même le salut de l’économie de nos PME/ETI qui ont plus que jamais besoin de financement. La titrisation pourrait permettre aux banques de recharger leur capacité de crédit, et donc d’accorder plus de prêts, en délestant les prêts aux PME/ETI et les prêts immobiliers, à d’autres investisseurs.
Retour sur une opération au nom barbare avec Julien Dallongeville, consultant MOA Finance.
Titrisation synthétique, est un mot « barbare ». Avant toute chose, pourriez-vous nous expliquer simplement ce qu’est une opération de titrisation synthétique ?
Une opération de titrisation synthétique consiste à mettre en place un dérivé de crédit afin de diminuer le risque sur certains actifs sélectionnés pour l’opération.
Cette opération se fait généralement via une SPV (Special Purpose Vehicle, le nom générique des véhicules de financement créés dans le cadre des opérations de titrisation) qui peut être une entité de la banque d’origine ou non.
De manière plus simple, il s’agit pour la banque voulant effectuer l’opération de titrisation synthétique de rémunérer des investisseurs en échange d’une “assurance” sur le portefeuille sélectionné via une SPV.
Comment se fabrique un portefeuille de titrisation ?
Pour aboutir à la titrisation synthétique, la banque commence par sélectionner un certain nombre de contrats. Elle peut notamment prendre des contrats dont une clause interdit la vente du contrat dans une opération de titrisation classique car ces contrats ne seront pas cédés.
Cette sélection se fait sur la base de critères parfois visés directement avec les investisseurs, comme le montant total de l’investissement (qui correspond aux montant du portefeuille titrisé), le type de crédit sélectionné…
Ce portefeuille de titrisation synthétique comporte plusieurs tranches, de la sénior (+ sûre – rémunératrice) à la junior (- sûre + rémunératrice). C’est par la caractéristique des contrats qu’est possible la ventilation en différentes tranches du portefeuille.
Les investisseurs sont donc rémunérés plus ou moins selon la tranche choisie et le risque qu’ils souhaitent porter. C’est lors du passage de perte avérée que les investisseurs couvrent le risque en supportant une partie des pertes car généralement la banque se réserve une portion des actifs les plus risqués.
Après la chute de Bear Stearns, l’effondrement de Lehman et la crise du crédit, le terme titrisation était presque devenu un gros mot. Depuis 3 ans, on assiste à un retour en force des opérations de titrisation synthétique au bilan des banques. À quoi est dû, selon vous, le retour de ce type d’opération ?
On pourrait avancer deux raisons. Le régulateur pousse les banques à restructurer leur bilan selon les exigences de Bâle III et à augmenter leur ratio de Tier I. Et même si Bâle IV tarde à arriver, les exigences de fonds propres pour les prêts restent onéreuses. Les établissements ont donc tout intérêt à initier des méthodes pour réduire l’exposition.
La deuxième raison est que plusieurs banques ne se sont pas débarrassés d’actifs qui ne leur sont pas essentiels ou bien de prêts qui ne sont pas productifs. Et les vendre sur un marché secondaire est long et complexe.
Est-ce une façon pour les banques de réduire leur exposition au risque selon les exigences de Bâle 3 ?
Les intérêts ont la vie dure avec les taux bas. Entre l’obligation de maintenir des fonds propres face au risque et les bénéfices faibles dus aux taux plancher, les banques sont incitées à trouver d’autres solutions. C’est pour cette raison que la titrisation synthétique prend de plus en plus de place au sein des banques.
Elle permet de réduire le RWA (Risk-Weighted Assets) sans avoir à gérer la lourdeur d’une titrisation classique. Comme le risque est supporté par un tiers contre rémunération, la banque peut ainsi dégager des fonds afin de créer de la valeur.
La titrisation serait donc une solution miracle, permettant aux investisseurs d’obtenir des rendements attractifs et aux banques de sortir le risque de leur bilan tout en baissant leur coût de refinancement ?
Oui et non car même si comptablement le risque est supporté par un tiers, la banque s’expose aux non-paiements de ce tiers lors du défaut des actifs. Les investisseurs auront de bon rendement mais devront être très vigilants quant à la nature des actifs. Ces systèmes ont toujours tendance à opacifier la réelle qualité des actifs derrière l’instrument financier et a joué un fort rôle dans la crise des subprimes. Les obligations réglementaires peuvent obliger les banques à se séparer le plus rapidement possible des mauvais actifs.
Julien Dallongeville, consultant MOA Finance et Dominque Cozzi, Journaliste