SoCraTes se définit comme une non-conférence : ni sessions, ni sujets, ni agendas préétablis. Organisation et contenu se décident durant l’événement, tous les matins. Pour faciliter cette non-organisation, 3 formats sont déjà éprouvés :
- World Café qui permet de faire connaissance le premier jour et de faire émerger des sujets potentiels
- Marketplace qui permet, tous les matins, de proposer des sujets et d’établir l’agenda de la journée
- Workshop le dernier matin, qui permet d’avoir des ateliers plus longs, mais dont les sujets sont aussi proposés durant le Marketplace
Un jeudi à Socrates
L’arrivée des participants se fait dans l’après-midi à la gare d’Orange. Après 20 minutes de taxi, le Château de Massillan nous accueille et sera le théâtre de cet événement particulier. Avant le check in vers 17h, des premiers échanges ont déjà lieu : ça promet pour la suite ! Notre première mise en jambe « officielle » est à 18h30 : le World Café.
World Café
Houssam Fakih est notre organisateur, Rachel Davis sera notre facilitatrice. Elle nous explique les 2 règles de la vie en communauté :
- Raise you hand : si vous voyez une main levée, levez la vôtre et arrêtez vos activités/discussions pour écouter.
- Law of 2 feets : si vous êtes dans une situation où vous ne considérez ni apprendre ni contribuer, vous êtes libre de partir.
Une fois ces 2 règles expliquées et testées, le café peut commencer. Tous les participants s’installent à une table (8 personnes), un tour de table est fait pour se présenter et surtout exprimer ses attentes vis-à-vis de l’événement : technique, humain, organisationnel. Le but est de créer une émulation pour des propositions de sujets. Puis, toutes les 20 minutes, presque toutes les personnes se lèvent et changent de table. Reste un gardien qui résume les échanges aux suivants et propose de continuer le sujet ou de changer. Après plusieurs tours, tous les visages sont familiers.
Repas
Les repas sont aussi des moments de partage. Des sujets peuvent se créer et se discuter et des ateliers peuvent se monter. Le personnel du château (un grand merci à eux) navigue entre les ordinateurs et projecteurs portables : un kata, ça n’attend pas !
Marketplace
Jeudi, 9h, première édition du marketplace. L’objectif est d’établir l’agenda de la journée. Pour cela, rien de plus simple : pour proposer un sujet, vous prenez un post-it, vous écrivez le titre de votre sujet et vous venez le présenter devant l’assemblée. Si vous avez plusieurs sujets, vous retournez à la fin de la queue pour laisser l’opportunité à d’autres de proposer leurs sujets. Qui dit programme, dit créneaux : 5 salles différentes et 5 slots d’une heure par jour vous permettent de proposer, demander, débattre et réfléchir avec d’autres. Les contenus sont libres :
- technique (kata, refactoring, technologique)
- design/architecture
- organisation/agile/craft
- autres : slackline, pétanque, ukulele, enregistrement de podcasts, écriture d’articles
Les formats aussi :
- présentation formelle
- discussion
- atelier pratique
- question ouverte
- demande de conseils
- lightning talks
Seul compte votre envie et votre motivation. Enfin, si le planning est complet ou ne vous convient pas, libre à vous d’organiser un échange près de la cheminée, au bar, au piano, sur une des terrasses : le château n’accueille que nous durant l’événement. Une fois l’agenda refactorisé (changement de salle, d’horaires, regroupement de sujets), la journée commence !
Quelques sessions auxquelles j’ai pu assister/participer
Expérience Team Flow
Michel Grootjans a proposé un serious game & simulation pour illustrer qu’il est possible de réduire le temps de feedback sans changer les équipes. Le sujet s’est déroulé en 2 parties :
- Dot Game pour montrer qu’il est possible d’augmenter la vélocité et de réduire fortement le cycle time (temps nécessaire pour avoir du feedback) d’une équipe en limitant ses entrées.
- Kanban Simulator pour illustrer qu’une organisation légèrement différente et plus coopérative (swarming) apporte un gain sensible. Le sujet a même été redemandé pour ceux qui n’avait pas pu assister à la première fois. Cet atelier permet d’illustrer un ressenti courant parmi les développeurs et crafters : plus de monde ne veut pas dire plus vite.
Entretien technique
Ce qui a commencé par un atelier autour du FizzBuzz par Emmanuel Conrardy s’est transformé en réflexion autour des entretiens techniques pour du recrutement. L’atelier fut extrêmement riche et ce court billet ne lui rend pas hommage. Les sujets suivants ont été abordés :
- ce qui doit être recherché en priorité, c’est une adéquation entre la personne et l’équipe :
- l’échange doit donc être dans les deux sens : un(e) candidat(e) doit repartir avec un avis sur l’équipe, la société, le projet et savoir si cela lui conviendrait.
- présenter l’équipe, le contexte, le code permet de proposer une meilleure vision à la personne.
- le critère humain est au moins aussi important, voir plus important, que la sélection technique. Une personne motivée et curieuse apprendra ou creusera pour se mettre au niveau attendu.
- la curiosité, la logique et la faculté d’apprendre sont des notions complexes à mesurer, et peuvent nécessiter un parcours unique/adapté à chaque candidat(e).
- mettre en confiance la personne permet de voir son véritable potentiel :
- échanger en amont sur le planning et les possibilités des entretiens
- choix des exercices/parcours techniques (préparation à priori, live coding, ensemble programming, bring your own code, …)
- environnement neutre/extérieur
- ne pas poser de question fermée et chercher à comprendre la logique de la personne
- comment valoriser le temps consacré par la personne à l’entreprise ou l’équipe : gift card, goodies, défraiement.
Je retiens une proposition qui m’a énormément plus : un README personnel, qui permet de décrire comment on aimerait que l’entretien se déroule, nos forces, nos faiblesses, nos goûts.
How to sabotage you craft coach
En nous mettant dans la peau des « adversaires », Cédric Rup nous a posé une question simple : quelles situations, actions, décisions, choix peuvent être utilisés contre un coach craft pour saboter son intervention ? L’atelier a été un mélange de retours d’expérience et de réflexion pour essayer d’imaginer les situations que peut rencontrer un coach en milieu hostile. Parmi les possibilités :
- law of triviality (tout est prétexte à essai, recherche ou investissement pour ne pas se concentrer sur les vrais problèmes)
- it won’t work here (les personnes estiment avoir déjà essayé cette solution sans effet)
- on impose au coach d’être médiateur entre le management et les opérationnels
- l’intervention du coach est imposée par une tierce partie (top management, client, …) en désaccord avec les opérationnels
- on place le coach dans une position de sauveur où on attend qu’il propose et guide dans les moindres détails une solution à la situation actuelle.
- le coach est limité dans son périmètre d’intervention (il ne peut pas accéder à certaines personnes ou périmètres impactant l’équipe).
Conclusion : la vie de coach est parfois difficile …
Lunch Kata
Les repas ont aussi été l’occasion d’apprendre. J’ai participé à 2 katas découverte : Go et Rust. En effet, l’idée était de découvrir à l’aveugle ces deux langages récents, en utilisant un kata comme base. Nous avons donc installé les runtimes et écrits du code (TDD of course) en Go (merci Tanguy Herrmann ) et Rust (merci Benoit Chiquet) pour l’ordinateur, la patience et la volonté de partager !
Rétrospective
Les journées se terminent par une rétrospective. Pour chaque session, les participants sont invités à partager un avis, une connaissance apprise, une perle de sagesse. Ceci permet aux personnes n’ayant pas pu assister à la session de résumer le contenu pour le partager à ceux n’ayant pas pu y assister. Ce moment est très important : il offre une vision globale de la journée, car il est impossible de tout voir où faire.
Conclusion
C’était ma deuxième édition de SoCraTes, et j’en garde de nouveau un souvenir intense. Cette non-conférence est une expérience d’un rare enrichissement. Que ce soit sur un plan technique ou humain, la densité des échanges et les connaissances partagées est très importante. Du petit-déjeuner (voir avant), jusqu’à tard dans la nuit, voir tôt le matin, la transmission est continue et donne envie de tout voir, tout faire et discuter avec tout le monde. De même, les formats plus libres offrent une possibilité d’échanger beaucoup plus importante que dans une conférence classique par rapport à Socrates, avec par exemple la possibilité de faire appel à des experts dans certains domaines pour nous éclairer.
Enfin, j’adresse un énorme merci et bravo à Houssam pour l’organisation, et à Rachel pour la facilitation !
Vivien Mille, Consultant C++