Alors que l’événement Experiences 2017 de Microsoft permet de faire le point sur les progrès de la réalité virtuelle, augmentée et mixte ; Fabrice Jean-François, MVP Microsoft et Techlead de NOVENCIA Group, décrypte les tendances de ces technologies : matériel, logiciel, mais bien sûr surtout les usages.
Les Google glass ont fait pshitt… Les ventes d’Oculus Rift et HoloLens n’ont pas tenu leur promesse. Peut-on parler d’échec de la réalité augmentée et virtuelle ?
Réalité virtuelle, augmentée et mixte, comme toute technologie en devenir, nécessitent un temps d’adoption. Le Gartner a formalisé ce temps d’adoption sous la forme d’une courbe dénommée « cycle du hype », à comprendre comme « cycle des technologies à la mode ».
Oui, le nombre de ventes n’est pas faramineux pour l’Oculus et le Rift, mais on ne peut pas parler d’échec. Les casques VR coûtent encore assez cher, mais c’est une technologie qui devrait se démocratiser ; d’autant plus que Microsoft entre dans la danse avec sa technologie Windows Mixed Reality qui permet à différents fabricants de créer des casques de réalité mixte (dont certains s’apparentent à de la réalité virtuelle)à des prix très accessibles (autour de 400€).
Notez par ailleurs que les ventes de Sony VR sont au-dessus des espérances ; la réalité virtuelle n’est pas morte, ce n’est pas un échec, mais la phase « pente de l’illumination » du Gartner. Cette phase se caractérise par des technologies maîtrisées en termes d’attente client, des produits de seconde génération qui sortent, des usages concrets identifiés et un marché solide en progression constante. C’est le cas du marché du jeu vidéo clairement identifié (et dominé) par Sony. Il existe d’autres domaines comme celui de la conception assistée par ordinateur, le pilotage de drones, mais aussi dans l’avant-vente (présentation de produits, effet « waouh »…) et dans la recherche scientifique.
Les casques de réalité virtuelle trouveraient leurs limites dans l’usage : fatigue oculaire, nausée. Ces contraintes physiques peuvent-elles à terme signer la fin de la réalité virtuelle ?
Très sincèrement, je ne pense pas. Pour en avoir fait tester plusieurs à un public divers et varié la très vaste majorité des utilisateurs se sent à l’aise. Ce phénomène (de nausée) est très connu de la NASA qui a mené plusieurs expériences pour permettre aux astronautes de se déplacer, bien dormir en apesanteur, etc. Tout tourne autour de ce que l’on nomme la kinesthésie : nous ne pouvons pas faire fi de de la sensation consciente de position et mouvement du corps.
Les problèmes sont du même acabit avec la réalité virtuelle. Des casques, comme le HTC Vive, résolvent ce problème aisément grâce à des capteurs externes qui détectent les déplacements réels et les retranscrivent dans la réalité virtuelle : les déplacements dans le réel correspondent aux déplacements dans le virtuel.
Apple, mais aussi Facebook avec Oculus Rift, semblent prendre la voie de la réalité augmentée est-ce un bon signe pour le marché ?
C’est un excellent signe. Tous les grands majors du High Tech croient à la puissance de la réalité augmentée.
Depuis des décennies notre fenêtre sur le monde est un écran plat en 2 dimensions. La télévision, l’écran d’ordinateur, le téléphone portable. La réalité augmentée est d’une certaine façon une extension de ces concepts ; on ne se cantonne plus à la 2D et on permet de la 3D, chose qui est plus réaliste pour nos yeux. Cette migration progressive va toutefois prendre du temps, c’est d’ailleurs probablement une des raisons pour laquelle les smartphones sont essentiels dans le processus d’adoption de la réalité augmentée.
Microsoft a également sorti un brevet sur des lunettes de réalité augmentée, compromis entre les Google Glass et l’HoloLens. Vous pouvez nous en dire plus ?
Il s’agit d’un prototype et non pas d’un brevet. Plus légères et moins encombrantes qu’un casque Hololens, ces lunettes sont basées sur une holographie numérique, elles cherchent à couvrir une large partie de la vision, comme le font les casques VR, mais pour de l’AR cette fois.
Microsoft travaille sinon sur ses Hololens 2 ; certains ont même parlé d’Hololens 3, argumentant que Microsoft va sauter une version tellement le fossé entre les premières Hololens et la dernière mouture sera gigantesque : peut-être s’agira-t-il de lunettes.
Il semblerait que l’avenir plaide pour la réalité mixte. Votre sentiment ?
À court terme, c’est pour la réalité augmentée que l’avenir plaide. Apple est prêt avec son ARKit et Google avec son ARCode pour permettre l’utilisation d’AR sur des téléphones standards prévoit d’inonder le marché sans demander des investissements forts en matériel ; nul besoin de capteur supplémentaire sur les téléphones.
La réalité mixte exige des capteurs supplémentaires, c’est le cas du casque Hololens, c’est également le cas de Tango. Tant que ces capteurs ne se généraliseront pas, l’avenir de la réalité mixte sera toujours en suspens bien que, à mon sens, elle finira par gagner. Mais à long terme.
Quels sont les avantages de la réalité mixte ?
La capacité à joindre deux mondes. De la réalité augmentée (on augmente le réel de quelques hologrammes) à la virtualité augmentée (on augmente le virtuel de quelques éléments du réel), la réalité mixte apporte des expériences innovantes et conformes à notre monde réel. Une balle virtuelle qui rebondit sur un mur, une table, un sol ou bien un verre hologramme qui se brise s’il tombe de haut.
Il y a-t-il des applications concrètes et pratiques de la réalité mixte ?
Oui, il y a des applications concrètes de la réalité mixte. Mais celles si se cantonnent fortement à la partie « réalité augmentée » de la réalité mixte. La majorité des applications concrètes et pratiques sont des applications en réalité augmentée puisqu’elles ne s’occupent pas véritablement de l’environnement réel. En effet, il y a le fait de positionner un élément sur une surface plane, mais cela est réalisable sans capteurs de surfaces, et par reconnaissance d’images comme ce que propose Apple avec ARKit et Google ARCore.
Toutefois, c’est toujours l’Hololens le plus abouti dans ce domaine. Autonome, il permet à l’utilisateur d’être libre de ses mains pendant son utilisation ; ce qui le rend utilisable professionnellement pour des tâches d’assistance, formation, ou autre.
Interview initialement publiée sur Zdnet.fr