Les premiers enseignements pour rebondir après la crise sanitaire
À moins de vivre dans un bocal, nul n’a pu échapper à la déferlante d’analyses, de tribunes, de visions ou prévisions, voire de prédictions sur le « monde d’après ».
Se faire un avis, suivre une piste ? Rien de plus difficile puisque les leçons et le vécu de la pandémie sont propres à chacun, à son écosystème, à son marché voire à son individualité.
C’est pourquoi, il peut être judicieux, dans un premier temps, de constater et puis d’étudier ce qui a changé. Préparer un scénario de l’« après » demande, aujourd’hui plus que jamais, d’être solidement ancré dans notre présent immédiat. Les organisations qui sauront écouter leur environnement prendront une longueur d’avance…dans le « monde de demain ».
Les GAFAM, ou la victoire de l’Amérique High tech
Ce sont les grands gagnants de nos vies confinées. Avec leurs produits et services, les Tech Company – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – ont été les incontournables de notre isolement : travail et enseignement à distance, accès à l’information, communication avec ses proches, téléconsultation, achat en ligne, livraison… Même si elle n’est pas nouvelle, la dépendance technologique aux GAFAM a trouvé sa plus pertinente illustration avec la crise sanitaire.
Aujourd’hui, les 5 géants américains pèsent pas moins de 22% de l’indice S&P 500, l’indice boursier américain phare et leur capitalisation boursière cumulée, en ajoutant Netflix, atteint environ 5 300 milliards d’euros, soit près de quatre fois le CAC 40*. Si beaucoup d’observateurs, à l’instar du correspondant du Monde à New York, estime que « l’Amérique High Tech a gagné contre l’Europe du tourisme », force est également de constater que nous venons de basculer dans un monde de plus en plus virtuel et numérique au moment même où les citoyens des quatre coins de la planète, réclament un retour à un monde dans lequel se conjuguent sens et réalité.
(*source, note de John Plassard, spécialiste en investissement publiée par Marianne le 5 mai).
Les chiffres du confinement
Amazon a enregistré pendant la période environ 11 000 dollars de vente de produits et services par seconde à travers le monde. (The Guardian)
La plateforme de collaboration de groupe Teams de Microsoft est passée de 44 millions d’utilisateurs actifs quotidiens fin mars à 75 millions en mai.
Zoom la plateforme californienne de visioconférence enregistre un trafic de 300 millions de participants par jour contre 10 millions en décembre 2019
Près de 700 millions de video calls sur Messenger et WhatsApp par jour.
WhatsApp enregistre la plus forte hausse : + 40% avec plus de 2 milliards d’utilisateurs. C’est le réseau social le plus utilisé au monde, juste après Facebook.
La crise pourrait-elle être un moteur de la transformation data et digitale ?
Aujourd’hui, aucune donnée n’est disponible pour mesurer l’impact de la crise sanitaire sur la transformation numérique des entreprises. Mais selon les observateurs, elle peut être aussi le grand événement qui pourrait pousser les marques à se transformer notamment pour s’adapter de façon efficiente au travail à distance mais également à l’expérience client.
Pour l’instant, le constat est que, à défaut d’adopter la culture numérique, les entreprises adoptent les outils qui la favorisent au regard des usages et services cités précédemment. Un premier pas de bascule.
A l’instar des achats ou des courses en ligne, les usages digitaux se sont donc enracinés et connaissent une progression de plus de 70% depuis le début de la crise sanitaire. Et selon une étude Kantar, le smartphone qui est le 1er Device de la mobilité est devenu pendant le confinement le 1er Device de la sédentarité.
Une seule question qui agite désormais toutes les directions marketing : ces comportements vont-ils devenir la norme ? Nul le sait. Dans un contexte de crise, jusqu’ici sans précèdent, la seule certitude c’est que ces mêmes directions vont devoir écouter les consommateurs et les tendances du marché pour être en phase avec leurs attentes et non pas se fier aux sondages ou autres tribunes d’opinion.
Dans un environnement incertain, le data marketing est un atout essentiel, voire structurant pour les marques. Meilleure vision du marché, de ses cibles, personnalisation de l’expérience avec ses meilleurs clients (CRM et data first party) le data marketing améliore et affine le pilotage de l’activité.
Les consommateurs et le pouvoir citoyen
Huit semaines de confinement ont accéléré ou accentué certains phénomènes comme la collaboration, le partage et le « savoir-être ». Même si, comme nous le disions précédemment le monde est peut-être en train de faire la bascule dans le « tout numérique », la crise nous livre un autre indicateur, proche du marqueur social. En effet, les consommateurs s’engageront demain auprès de marques qui se sont inscrites durablement dans l’action et les initiatives solidaires. Recherche de sens et comportement consommateurs sont donc étroitement liés dans le monde d’aujourd’hui.
Un comportement citoyen que souligne le dernier rapport de Kantar, cabinet d’études britannique. Publié le 25 mars dernier, il met en lumière l’évolution des comportements au regard de la période de crise sanitaire.
Ainsi, 78% des consommateurs attendaient des contenus qui prouvent que les marques prennent soin de leurs équipes et les trois quart (75%) attendaient des messages d’information sur les efforts qu’elles déploient pour faire face à la situation.
Donner du sens à l’acte d’achat, sera probablement un réflexe que les marques, et dans leur sillage les messages publicitaires, vont probablement devoir adopter.
Les marques vont-elles devoir faire un « reset » ?
Se réinventer, se transformer… quel que soit le verbe d’action que les organisations vont employer les choses vont s’accélérer !
Des premières tendances se dégagent.
1. Intensifier l’écoute de la voix du client et l’analyse des données :
Nous le savons, beaucoup de choses vont changer après cette période inédite dans la relation Marque / Consommateur. Les comportements, les envies, les préoccupations des clients et prospects vont être difficiles à prévoir.
En effet, dans un environnement où contraintes et priorités ont forcément évolué, il est important d’approfondir et d’être à l’écoute des attentes, besoins et souhaits et ce de façon encore plus poussée qu’auparavant.
Les focus group vont être l’un des leviers dans ces prochains mois pour évaluer l’évolution des comportements des consommateurs. Il va falloir multiplier les écoutes clients et les échanges autour de leur situation actuelle, leurs espoirs, leurs craintes, leurs priorités, ce qui, selon eux, restera ancré après le confinement…
Pour compléter les analyses prédictives réalisées dans la période pré Covid-19, des analyses à court terme vont également être nécessaires pour anticiper les tendances (derniers achats, dernières visites, derniers parcours, dernières prises de contact, …).
De même, des comportements de Search concernant un marché en particulier (évolution de la recherche sur les chambres d’hôtel par exemple) pourraient être des indicateurs qui serviront plusieurs secteurs d’activité afin de mesurer les impacts sur son propre marché et le retour à la confiance.
Enfin les Marques vont devoir se rapprocher de leurs influenceurs et intégrer leurs insights dans les études data et leurs réflexions. Cet autre levier doit permettre de sécuriser sa connaissance client et de confirmer les réponses apportées à des questions du type : quelles actions initiées pendant la période de confinement doivent être maintenues ou revues ? Quels contenus ou messages seraient les plus pertinents ?
2. Renforcer l’extension du digital :
Le développement du digital, web et surtout mobile, était jusqu’à présent une nécessité, tirée par les pure players. Il devient désormais un impératif. Les entreprises ne peuvent pas ne pas en tenir compte.
À la fois, elles doivent être prêtes en cas de nouvelles crises, mais elles doivent également être en capacité de répondre à l’accélération des usages numériques. Cela concerne autant les habitudes initiées par le recours massif au télétravail ou encore celles issues de ce qu’on pourrait qualifier d’une « nouvelle vie » au quotidien : conversations avec ses proches, consommation d’informations et de loisirs et bien-sûr achats.
Les Marques vont devoir investir dans une expérience personnalisée. Cela passe par la création d’expériences digitales « humanisées », engageantes et omnicanales. Conserver le lien avec ses audiences et continuer d’être présent sans être intrusif sera l’un des prochains défis.
Les initiatives prises pendant cette période de crise devront être prorogées, mais adaptées au monde d’après. Les marques qui ont su créer ou renforcer les liens avec leurs clients vont devoir maintenir cet effort dans les mois qui viennent et au-delà. L’attente des consommateurs va être forte en termes de proximité, d’empathie et de bienveillance. Valeurs qu’il va falloir faire cohabiter avec les exigences de ROI et de vente.
Enfin, un indicateur émerge. Pour de nombreux secteurs, la transformation numérique pourrait venir du mobile. Du secteur du luxe à celui de la grande distribution, le confinement a en effet rappelé aux grandes enseignes qu’elles devaient à l’avenir proposer une expérience client réellement ominicanale, aucun canal ne doit être négligé. Les marques qui n’avaient pas fait du développement de ce device une priorité, vont devoir accélérer pour proposer une expérience mobile moins contraignante, plus intuitive et ergonomique.
Ceux qui s’en sortiront auront donc trouvé la bonne formule dans ce nouveau paradigme : digitalisation, humanisation et rentabilité.
Mais il faudra être malin et travailler également sur sa visibilité, notamment à travers le référencement naturel (SEO), crucial pour rester en contact avec ses consommateurs et la production de contenus permettant de conserver son volume de trafic qualifié ou de l’augmenter, véritable levier de conversion.
3. Capitaliser sur les fondamentaux de l’animation client :
Maintenir le lien avec le client après cette séquence va donc être primordial, cela passera aussi par l’animation marketing client. Et en ces temps de crise, les annonceurs vont devoir trouver des leviers efficients.
L’emailing continue à être un canal privilégié, il a démontré sa fiabilité et reste l’un des canaux appréciés des consommateurs, à faibles coûts.
Mais ce sont les réseaux sociaux qui seront le support à privilégier pour continuer à conserver le lien avec sa communauté. Supports véritablement plébiscités, ils permettent des interactions régulières, temps réels et personnalisables.
D’autant qu’en cette période où les temps passés connectés à Instagram ou autre Facebook ont été démultipliés, au-delà d’interagir avec sa communauté, l’utilisation des Réseaux Sociaux comme vecteur d’animation client doit permettre de capter de nouveaux clients en proposant des contenus innovants, adaptés et renouvelés.
Guillaume Pinaud, Directeur Data & Customer Marketing novencia et Dominique Cozzi, Journaliste.