Considérée comme complexe et inadaptée, la norme IAS 39 a été remplacée depuis le 1er janvier par une nouvelle norme : IFRS 9. Envisagée comme une réponse globale à la crise financière, elle vise à rendre plus lisible la classification, à limiter les arbitrages opportunistes entre classes d’actifs et mettre en adéquation l’évolution du risque de crédit avec la dynamique de provisionnement.
Pour Isabelle, Consultante Senior en comptabilité bancaire, même si « un des objectifs de la norme est la simplification (…), au fur et à mesure de l’application de celle-ci sur toutes les opérations que les banques réalisent, on se rend compte que ce n’est pas si simple ». Entretien.
La crise financière a mis en avant les faiblesses de plusieurs normes comptables, notamment la norme IAS 39. Dans quelle mesure cette norme aurait-elle contribué à la crise financière ?
La norme IAS 39, entrée en application en 2001, a été remise en cause suite à la publication d’un rapport en octobre 2009. Celui-ci a démontré que l’évaluation à la « juste valeur » avait été un facteur mécanique d’accélération de la crise. En effet, la « fair value » contraignait les banques à comptabiliser de façon immédiate et à valeur réelle, les actifs qu’elles possédaient au lieu de leur laisser la possibilité d’étaler les pertes dans le temps.
Considérée, par ailleurs, comme complexe à mettre en œuvre et en inadéquation avec la réalité des entreprises, la norme IAS 39 était également vivement critiquée sur la reconnaissance trop tardive des pertes.
En effet, ce n’était que lorsque le risque de crédit était avéré que l’IAS 39 autorisait l’enregistrement des provisions. C’est ce modèle que la crise financière a pointé du doigt. Il n’était pas rare de trouver des provisions enregistrées en décalage par rapport à des pertes dépassant ce qui était anticipé.
Il a aussi été reproché à la norme IAS 39 d’avoir un effet procyclique, aggravateur de la crise.
L’effet procyclique, définition :
La Fédération Bancaire Française définit la « procyclicité » comme « la variabilité excessive d’un facteur aux fluctuations du cycle économique. Dans le cas d’un ratio de solvabilité sensible au risque, la procyclicité consiste en une variabilité accrue du niveau des exigences en fonds propres. Celles-ci sur-réagissent à la hausse en cas de ralentissement de la croissance ou de récession de l’activité, à la baisse en période d’accélération de la croissance ».
En clair, l’activité de prêt des banques suit le cycle de l’économie. Il connaît une forte progression en période de croissance ou de reprise économique et, a contrario, une faible croissance, voire même une contraction, en période de ralentissement. Ce qui a pour effet d’exacerber le cycle.
En réponse, la norme IAS 39 a fait l’objet d’une refonte. Ce projet a donné naissance à la norme IFRS 9, entrée en vigueur le 1er janvier 2018. Quels sont les objectifs de cette nouvelle norme ?
Le régulateur a œuvré pour plus de transparence notamment sur le risque de crédit. Il a également insisté sur la mise en place d’une approche plus prospective pour la dépréciation des actifs, l’objectif étant de réagir plus vite aux évolutions du cycle de crédit. Simplification, règles clairement définies, prise en compte de la réalité des entreprises, reconnaissance opportune et adéquate des pertes, standard unique et universel sont donc les principaux piliers de la nouvelle norme IFRS 9.
Dans quelle mesure, IFRS 9 répond aux objectifs affichés ?
Elle simplifie les normes comptables en ce qui concerne la valorisation de juste valeur des instruments dans le cas où les marchés ne sont pas liquides. Elle est moins complexe lorsqu’il s’agit de comptabiliser les instruments financiers. Comme elle exige beaucoup plus d’informations que les précédentes normes, IFRS 9 renforce les conditions de provisionnement des risques de crédit. Elle améliore les normes comptables pour le provisionnement des risques hors bilan. Enfin, elle permet l’instauration d’un standard unique international de normes d’informations financières.
Comment IFRS 9 a-t-elle été accueillie par vos clients ?
L’impératif était de respecter la date d’application de la nouvelle norme au 1er janvier 2018. De ce fait, tous les moyens nécessaires ont été déployés, que ce soit au niveau des systèmes d’information, de l’organisation et de la coordination des équipes, de l’interprétation des textes par des experts. Évidemment ce redéploiement a eu un coût et les clients ont aussi dû prévoir les budgets pour mener à bien ce projet de grande envergure.
On parle de complexité quant à sa mise en application. Est-ce le cas sur le terrain ?
Il a fallu procéder par ordre. En premier lieu, les établissements de crédit ont dû prendre la mesure de l’impact du nouveau classement sur les métiers et les différentes activités de leur entité (fonctions Risques et Finance, production de reporting comptables, réglementaires et prudentiels etc…).
Ils ont aussi été amenés à évaluer plus précisément la First Time Application (FTA). Ils ont dû revoir les systèmes d’information et adapter des process, trouver des modèles de gouvernance de données mais aussi renforcer les contrôles en interne.
Les établissements de crédit ont dû également former les équipes pour qu’elles s’approprient la nouvelle norme. Les établissements de crédit ont dû également construire un modèle solide basé sur l’exploitation et l’interprétation de données historiques mais également sur celles liés à l’environnement économique de la période concernée pour modéliser et donc, estimer les pertes de crédit attendues (calcul de l’ECL Expected Credit Loss) à un an ou jusqu’à maturité de l’opération.
Justement, quels sont les principaux freins à sa mise en application ?
Un des objectifs de la norme est la simplification. Toutefois, au fur et à mesure de l’application de IFRS 9 sur toutes les opérations que les banques réalisent, on se rend compte que ce n’est pas si simple. En effet les opérations ne sont pas toutes basiques. Les banques sont aussi confrontées à des opérations complexes et structurées, laissant l’interprétation de la norme parfois peu évidente.