À l’ère de « l’expérientiel », le principal défi des directions marketing est de réussir la subtile alchimie entre personnalisation et automatisation des interactions avec les clients. C’est pourquoi, dans une démarche customer centric, les organisations doivent être capables de mettre en place ce que l’on pourrait nommer le nouveau « pack conversationnel », c’est à dire le cercle vertueux qui intègre désormais les nouvelles technologies, la richesse des données collectées et les expériences consommateurs multi-moments.
Et toi, qu’est ce qui te décides à acheter un produit plus qu’un autre ? Cette question, pourtant banale, résume à elle seule l’épineuse problématique que tente de résoudre actuellement toute direction marketing. Car désormais l’attente n’est plus relative à un produit mais plutôt à tout ce qui entoure l’acte d’achat et la façon dont une marque interagit avec ses consommateurs. Et si les modes de communication bougent vite, trop vite, c’est que la technologie modifie largement le mode d’interaction.
Sans oublier que, désormais, les acteurs historiques sont concurrencés par les « games changers » et plus récemment par les « DNVB » (Digital Native Vertical Brand), des marques pure player du web dont la particularité est de développer leur univers de marque, de s’exprimer, d’interagir et de vendre directement et principalement via le web et le mobile.
La technologie pourrait donc constituer le principal moteur de la transformation par l’expérience client. C’est en tout cas ce que confirme l’étude « Experience 2030 : The Futur of Customer Experience » publiée par Futurum Research et réalisé par l’éditeur SAS. L’étude, lancée dans une trentaine de pays auprès de 2000 consommateurs et autant de marques, prévoit une évolution majeure vers l’automatisation des interactions. D’ici 2030, 67% des interactions entre marques et consommateurs à l’aide d’appareils numériques (en ligne, mobiles…) seront traitées par des machines intelligentes plutôt que par des humains.
« Alors que dans notre monde de plus en plus encombré il devient de plus en plus difficile de se faire entendre et d’entrer en contact avec les gens. La technologie nous aidera à créer des contenus attractifs, qui correspondent aux centres d’intérêts et aux préférences des consommateurs. »
Keith Weed, directeur du marketing et de la communication, Unilever
L’automatisation est sans nul doute un futur possible mais, même si la maîtrise de l’Intelligence Artificielle est devenue en quelques temps le thermomètre de la compétitivité des entreprises, elle est loin d’être une technologie mature. C’est pourquoi, aujourd’hui, même si les consommateurs sont prêts à adopter les technologies émergentes, l’appellation la plus appropriée serait celle d’intelligence humaine augmentée car l’intelligence artificielle est une somme de plusieurs dizaines de briques logicielles différentes que seul l’homme peut créer et intégrer.
Ces consommateurs, à quoi sont-ils ouverts ?
- 81% déclarent qu’ils interagiront avec des chatbots
- 78% prévoient d’utiliser une application de réalité augmentée, virtuelle ou mixte pour visualiser un produit (vêtement, meuble)
- 8 personnes sur 10 disent qu’elles effectueront des achats en ligne ou contrôleront leur maison intelligente à l’aide d’un assistant intelligent (Google home, Alexa, Siri)
Un changement de comportement qui s’exprime également chez les Français. Selon le baromètre 2019 OpinionWay pour Wide sur les Français et leurs relations digitales, même si le courrier électronique reste en tête avec 73% des suffrages, il perd 5 points alors que les chatbots séduisent de plus en plus de Français (+11 points) notamment les moins de 35 ans (42%) et les personnes appartenant aux catégories socio-professionnelles aisées (41%).
Rester en phase mais éviter la dilution de l’expérience d’achat
En devenant la règle, l’automatisation et l’adoption des technologies émergentes obligent dès à présent à repenser les écosystèmes clients, les compétences en matière de gestion des données, les processus d’optimisation analytiques et les capacités en matière de prise de décision automatisée.
Et, l’expérience d’achat sera d’autant plus satisfaisante tant que la marque lui proposera services et produits adéquats. C’est pourquoi, en marge de leurs investissements sur les technologies « futuristes » comme les assistants vocaux basés sur l’IA pour assister les clients (62%), l’IA vocale comme outil de marketing et de vente (58%), la réalité virtuelle et augmentée (64% zone EMEA), les annonceurs doivent également connaître les goûts, les aversions et le comportement de ces désormais « consom’acteurs » !
Et pour relever ce défi, ils disposent de nombreux moyens : communautés, parcours d’achat, comportement sur achat, le tout analysé à grand renfort data science afin d’offrir une qualité de service optimale à tout moment de l’expérience.
Conclusion : l’effet « waouh » technologique doit être doublé d’un effet « waouh » humain. En effet, l’analyse et l’interprétation des données doit permettre de définir des scénarios programmés à l’avance ou d’adapter des algorithmes afin d’enrichir les services de ces nouvelles technologies et optimiser l’expérience de manière itérative.
In the mood for good : l’intelligence augmentée
Ce n’est plus un secret, la clé de la réussite d’une expérience client pertinente et personnalisée réside dans la combinaison de l’analyse fine de la donnée collectée au sein de tous les canaux d’interactions, et du machine learning.
Aujourd’hui, les consommateurs génèrent des volumes impressionnants de données. Ces données non structurées, telles que les humeurs, les sentiments, les sons, les posts, les blogs, les images sont difficilement qualifiables sans une approche analytique.
L’enjeu est donc pour les organisations de standardiser et d’agencer les données. De briser les silos que sont les CRM, ERP et DMP afin de recouper les données et obtenir une vue omnicanale, complète et exploitable par les collaborateurs.
Les nouvelles smart technologies vont donc permettre de créer de nouvelles interactions plus intelligentes, de recueillir et exploiter plus de data, notamment des 1st Party Data, et contribuer à enrichir cette vue client 360°, indispensable à toute approche « Customer Centric ».
Assistant virtuel : délivrer un service… Prélude au Voice Marketing
Ils sont en passe de devenir la norme, propulsés par l’explosion des usages mobiles. Selon Statista Research Department, le nombre d’assistants virtuels numériques pour particuliers devraient dépasser les 1,8 milliard d’ici 2021. Les trois acteurs du marché, Amazon (Alexa), Google (Google Home), Apple (Siri), ont même signé un accord qui devrait permettre à tous les objets connectés de la maison de communiquer entre eux, quels que soient le modèle et le fabricant.
Du côté des services clients, améliorer les fonctionnalités des assistants, permet d’augmenter l’engagement. Par exemple, Orange, à l’aide de Djingo, a automatisé près de 400 000 conversations depuis fin 2019. Capable de répondre à l’essentiel des questions liées aux offres, il peut recommander spécifiquement des produits ou des services en fonction du besoin énoncé. Une requête sur 2 est résolue sans intervention humaine.
Le marketing vocal pourrait être la prochaine manne pour les annonceurs. Toutefois, le contenu marketing se limitera à de la recommandation qui répondra exclusivement à une demande de l’utilisateur. Néanmoins, les annonceurs pourront descendre en granularité en récupérant des indices contextuels tout au long du parcours d’achat et donc affiner leur réponse à chaque étape.
Les chatbots : développer proximité et digitalisation
Les robots conversationnels sont désormais le standard voire, un élément essentiel de la compétitivité des organisations, dans la relation avec leurs clients. Une tendance confirmée par Gartner qui prédit que, 50 % des entreprises, à l’horizon 2021, dépenseront davantage pour créer des chatbots que pour développer des applications mobiles.
Pour les marques, les avantages sont clairs : être présent sur les plateformes populaires de messaging, fluidifier et unifier le parcours client sans téléchargement d’application, converser de façon directe et personnalisée avec ses publics, et les opportunités nombreuses : informer, divertir, conseiller, acheter, réserver, assister et fidéliser.
Ces interfaces intelligentes sont capables d’apporter des réponses personnalisées en langage naturel, et vont même jusqu’à imiter le style conversationnel d’une personne. Son évolution est loin d’être terminée puisque progressivement on passe de la programmation de scénarii définis à l’avance à une adaptation en temps réel ou quasi temps réel.
En effet, les utiliser permet d’accéder instantanément aux données dont ils ont besoin, sans avoir à passer par Excel, Google Analytics, et autres canaux de données. Pour les directions marketing, c’est donc une immense fenêtre ouverte sur les indicateurs clés qui leur donne la possibilité d’être précurseur plutôt que « suiveur » de tendances.
Tous les ingrédients sont ici réunis pour révolutionner les bases de l’expérience client…Toutefois, le service offert doit être précis et fonctionnel, et doit se concentrer sur une seule tâche. D’un point marketing, le chatbot ne doit pas être un simple « coup » de communication. Il doit être perçu comme un vrai sujet de transformation digitale. C’est pourquoi il est indispensable de mettre en place en amont des principes de gouvernance pour qu’il soit le champ d’expression de la marque et devienne un « brandbot », source de croissance pour les marques.
Selon Zion Market Research, le marché de la reconnaissance vocale pourrait représenter à lui seul 22,3 milliards de dollars en 2024 et celui de l’informatique sensorielle et des logiciels d’analyse d’émotions, 41 milliards de dollars d’ici 2022. A bon entendeur…
Réalité augmentée : améliorer le taux de conversion
Google a mené l’enquête : 34% des utilisateurs de smartphones et de tablettes interrogés par la firme, disent vouloir essayer la réalité augmentée et 61% déclarent qu’ils préfèreraient faire leurs achats dans des magasins qui proposent cette nouvelle technologie.
Enrichir ce que voit le consommateur en magasin, plusieurs marques l’ont compris. A l’instar de Lacoste qui fait essayer virtuellement des chaussures ou Topshop dont les cabines d’essayages virtuelles permettent de tester en hologramme de nouvelles tenues. Autant de nouvelles manières d’enrichir l’expérience client. En réduisant l’incertitude lors de l’acte d’achat, le vendeur mécaniquement augmente son taux de conversion.
Devenir acteur de son expérience d’achat a dès lors un autre avantage : les actions des utilisateurs de réalité augmentée peuvent être sauvegardées : une mine d’or en terme de data « utiles » pour personnaliser encore plus les parcours.
Les réseaux sociaux : collecter de la data et pousser des contenus personnalisés
Reflets fidèles des usages des consommateurs, les réseaux sociaux sont un vivier des tendances sociétales et un très bon indicateur de l’impact des campagnes de communication. Bon outil de veille, les entreprises l’utilisent désormais pour créer du lien avec un client et en acquérir de nouveaux. Ces canaux ont la capacité de générer des leads qualifiés et sont donc aujourd’hui des leviers de croissance.
Outre d’augmenter le taux d’engagement, les réseaux améliorent l’expérience et enrichissent les communautés puisqu’ils permettent d’engager un dialogue sur la durée, que ce soit pour régler un conflit ou simplement discuter. Sephora, répond ainsi à la plupart des messages de ses clients sur les réseaux sociaux en deux heures environ. Monoprix est également un bel exemple d’engagement de marque. Elle a souvent proposé à ses clients de choisir directement le prochain jeu de mots associé à un packaging, emblématique de l’enseigne.
À ce titre, les réseaux sociaux sont considérés comme une source de données à part entière et les métiers entendent bien en tirer le maximum de profit. Ainsi les directions marketing (61%) ont pour principal objectif de mieux exploiter ces données non structurées.
IoT, nouvelles sources de données
Avec les données que les objets intelligents génèrent, les directions marketing bénéficient de nouvelles sources d’information sur l’expérience. Un bon moyen d’améliorer la satisfaction de ses clients ou utilisateurs. Car, les objets connectés ont l’avantage de renseigner en temps réel sur les performances, l’utilisation et l’état du produit lui-même.
Dans le domaine de l’IoT, la logistique fait figure de précurseur, avec les capteurs RFID dans les années 90. Aujourd’hui, les usages sont nombreux dans la maintenance connectée, les transports, les produits électroménagers et l’industrie automobile. A ce titre d’exemple, Volkswagen a annoncé développer Volkswagen Automative Cloud et prévoit de construire près de 5 millions de voitures connectées par an. Les produits seront ainsi améliorés en temps réel et transmettront les données directement aux plateformes de gestion client. Ainsi, il sera possible de mieux comprendre les consommateurs, répondre aux problèmes auxquels ils pourraient être confrontés. Ce pourrait être l’un des plus importants cloud dédiés du secteur automobile.
IoT, big data et cloud sont donc ici complémentaires, formant un nouvel écosystème. Avec le Cloud et Software as a Service (SaaS), l’approche marketing est bouleversée puisque désormais ce qui importe ce n’est pas d’acquérir un client mais le fidéliser. Corollaire au changement de paradigme puisque le consommateur passe peu à peu d’un mode de transaction à un mode de consommation à l’usage. De ce fait, les données générées par les objets connectés sont un levier supplémentaire pour à la fois améliorer l’expérience et piloter la fidélisation (up selling). En gérant en temps réel l’usage des produits par les utilisateurs, on contextualise, on optimise les ressources, on anticipe les besoins (appel, réparations) et donc on apporte une valeur nouvelle à son client.
Par ailleurs, l’IoT offre aux directions marketing de nouveaux leviers : les incentives marketing comme les cadeaux et promotions personnalisés. Elles sont également un bon moyen de garder le lien avec le monde physique.
Selon IDC, d’ici 2021, les investissements IoT devraient les 1 100 milliards.
La data et l’Intelligence Artificielle s’invitent donc dans tous les domaines et particulièrement dans celui de la personnalisation de l’expérience client. Mais les experts sont pragmatiques, les objectifs de l’IA sont directement liés à l’amélioration des ventes et pour se faire les organisations doivent s’appuyer sur les analyses prédictives donc les données. Développer le prédictif, segmenter pour personnaliser les messages et modéliser les comportements d’achat et enfin enrichir les bases, sont les nouveaux pré-requis à une démarche data drive dans un contexte de stratégie « customer centric ».
Toutefois, créer une expérience client placée sous le signe de l’agilité et doté d’un haut niveau d’automatisation nécessite une transformation globale de la culture d’entreprise et la mise en œuvre d’une méthodologie agile et précise.
À suivre : Expérience client augmentée : transformation culturelle et approche disruptive
Guillaume Pinaud, Directeur Data & Customer Marketing novencia et Dominique Cozzi, Journaliste.