Benjamin Musset

« La clé est de ne jamais entrer dans le conflit personnel »

« La clé est de ne jamais entrer dans le conflit personnel »

Comme la mission d’un consultant n’est pas un long fleuve tranquille, il est nécessaire de se préparer à toutes les éventualités voire au pire scénario ! Gestion de crise, réorganisation, enjeux politiques, … Benjamin, consultant senior, nous donne les clés mais aussi nous explique comment bien préparer sa sortie. Entretien.

 

Le cours d’une mission n’est presque jamais linéaire et il arrive que le consultant soit confronté à plusieurs types de difficultés. Quelles peuvent-elles être ?

L’intérêt du consultant est avant tout la possibilité de varier ses expériences chez le client. Il a donc des responsabilités mais il n’est pas corrélé à l’aspect hiérarchique et politique interne du client. Il a donc une grande latitude pour proposer des solutions même si à l’arrivée, c’est le client qui dispose.

Les difficultés peuvent varier en fonction de son poste mais aussi de la culture d’entreprise : gestions des équipes outsourcing anglophones ou autres, maitrise d’outils bureautiques, de gestion et de communication différents selon le degré d’avancement technologique du siège, compréhension des enjeux politiques et hiérarchiques lors d’une réorganisation, capacité à se préparer à anticiper certains sujets lorsqu’ils vont parvenir à son périmètre…

 

À quelle sorte de situation conflictuelle peut se retrouver confronter un consultant ?

Un conflit ouvert avec une personne ou un service, une résistance au changement de la part de personnes amener à changer d’outils sur lesquels ils sont historiquement habitués, un problème de liberté d’action sur la prise de contact dans le cadre d’un sujet sensible / politique.

Il y a beaucoup de sources possibles, différentes selon le niveau de responsabilité d’un consultant. Mais pour être rassurant, 9 managers sur 10 sont suffisamment consciencieux pour éviter cette situation à tout prix car elle ne profite à personne, impacte l’image de services entiers et laisse des traces partout.

 

Et comment les gérer au mieux ?

La clé est de ne jamais entrer dans le conflit personnel avec l’individu à l’origine du conflit. Quitte à redéployer, comme dans une plaidoirie, l’historique du problème même si cela est fastidieux, le but est de rester factuel avant tout. L’objectivité du sujet est nécessaire pour comprendre et résoudre le problème avec sang-froid. Cela atteste également auprès de son auditoire, d’une capacité à gérer la pression, conserver un esprit de synthèse quel que soit la “météo” du projet.

L’expérience montre que la surenchère dans le sentiment et la prise pour soi d’un sujet professionnel n’est pas légitime et ne doit jamais intervenir dans le débat. À se rappeler, lors d’une attaque conflictuelle par mail, surtout ne jamais répondre “à chaud”, laisser reposer, puis construire en argumentaire factuel. L’escalade de type “ping-pong verbal” n’est utile et gratifiante pour personne, quel que soit le niveau hiérarchique.

 

Comment gérer les modifications en cours de mission ?

Il faut distinguer le détail de l’essentiel. En cours de mission, il n’est pas rare de voir un client subir des réorganisations dans le service du consultant et parfois dans son équipe. Comme toujours le consultant doit s’adapter à sa nouvelle structure en comprenant les différentes relations hiérarchiques entre ses acteurs directs (managers, collègues).

Cependant, le consultant doit surtout repérer les impacts directs de ces modifications qu’elles soient humaines ou managériales (mise en place de méthodes Lean ou Agile par exemple), et essayer de comprendre, de proposer à son management comment œuvrer dans ce nouveau contexte. Encore une fois, il vaut mieux à ce moment-là ne pas être avare de questions pour lever toute ambiguïté sur ces nouveaux déploiements.

Tous les autres éléments (organigramme modifié, contexte global du client : délocalisations, disparition de services), ne doivent pas entrer en ligne de compte car le consultant n’est pas impacté comme une ressource interne sur ces sujets, même s’il doit se tenir informé au cas où des enjeux politiques à venir, pour pouvoir échanger avec ses collègues sur les conséquences de leurs tâches au quotidien et se tenir informé.

 

Quand peut-on dire qu’une mission de conseil est réussie ?

Dans le monde professionnel, on ne s’attend pas forcement à des remerciements. Mais si la mission est sur du long terme (1-2 an selon le contexte), on peut considérer que tout le temps passé chez le client est un moment de confiance entre lui et le consultant.

Celui-ci peut être satisfait s’il part dans les mêmes conditions qu’à son arrivée : a minima objectivement neutre pour respecter la position du client et la position/réputation du cabinet ; si l’image du consultant est positive de par son comportement, sa richesse personnelle, son ouverture, ses compétences et le bilan de son action (sujets réussis, situation délicates surmontées ou évitées, tempérance, conscience professionnelle, rigueur…) alors cela est gratifiant pour tous lors de la mission.

Le client se souviendra même du consultant en particulier en cas de possibilité de retour chez lui après un laps de temps, ce qui est toujours gratifiant et utile pour le networking.

 

Comment prépare-t-on sa sortie quand on est en fin de mission ?

On prépare sa sortie comme son entrée : même si on a déjà la tête dans la recherche de la future mission, il faut être fidèle au client jusqu’au bout si possible. Celui-ci a aussi conscience de la situation, c’est pourquoi il faut se mettre d’accord avec lui pour transférer la charge vers les éléments restants de l’équipe avec la participation du consultant, de son manager et de ses collègues qui vont reprendre ses sujets, voire faire la passation avec le nouveau consultant.

Cela se traduit en sessions de transfert de connaissance, formations, points de clôture pour affecter les sujets et récapitulatifs de toutes sortes pour situer chaque étape de chaque sujet en cours traité auparavant.

Partir proprement, c’est également l’assurance de pérenniser sa relation client dans un monde de conseil ou il y a finalement assez peu d’acteurs, certains collègues rencontrés auparavant chez le client deviennent managers et peuvent de nouveau nous solliciter si l’expérience précédente est concluante, ce qui est toujours bon à prendre.

 

À Lire, le premier volet de notre entretien « Il faut toujours montrer son côté volontaire et engagé »

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